La stratégie de pénétration du sionisme au Caucase : l’exemple de l’Azerbaïdjan

16:02 - September 30, 2025
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IQNA-Depuis les années 1950, Israël a mis en place une stratégie de « soft power » (influence douce) afin de compenser son isolement diplomatique et de renforcer ses positions dans des régions stratégiques.

Ali Maroufi Arâni, chercheur sur le sionisme et le judaïsme, affirme dans un rapport analytique intitulé «La sinistre stratégie du sionisme pour la domination du Caucase : de l’assassinat des élites à l’ingénierie des idées chez la jeunesse de la République d’Azerbaïdjan», remis à IQNA, que, vu les récents développements régionaux et l’infiltration du régime dans les différentes couches des pays islamiques, et compte tenu du faible coût d’emploi d’instruments tels que les agences et l’aide au développement, il est nécessaire que la République islamique d’Iran crée un organisme chargé de développer l’influence régionale et internationale dans les domaines «soft» et économiques, afin de réduire la dépendance des pays islamiques au régime sioniste dans les domaines non coercitifs et d’en limiter l’influence dans ces pays.

L’Agence israélienne de coopération internationale pour le développement (MASHAV), créée en 1958, se présente comme un instrument d’aide humanitaire et de coopération technique. En réalité, elle constitue un outil de pénétration politique, économique et culturelle visant à blanchir l’image d’Israël, à tisser des réseaux d’influence parmi les élites locales et, dans certains cas, à servir de couverture pour des activités de renseignement.

Le Caucase du Sud, et en particulier la République d’Azerbaïdjan, occupe une place centrale dans cette stratégie. Voisin de l’Iran, fournisseur d’une part importante du pétrole israélien et situé au carrefour de l’Eurasie, l’Azerbaïdjan est devenu depuis les années 1990 un terrain privilégié de l’action de MASHAV. Les initiatives qui se présentent comme des programmes éducatifs, sanitaires ou agricoles poursuivent en réalité des objectifs plus larges : affaiblir l’identité islamique locale, accroître la dépendance économique et politique envers Israël, et utiliser le territoire comme base d’observation et de pression contre l’Iran.

MASHAV : un outil de soft power sous couverture humanitaire

MASHAV a vu le jour dans le contexte de l’isolement international d’Israël après la conférence de Bandung (1955), où de nombreux pays d’Asie et d’Afrique nouvellement indépendants avaient marginalisé Tel-Aviv sous la pression du monde arabe. Pour David Ben Gourion et Golda Meir, il s’agissait de briser cet isolement en proposant une « coopération technique » aux pays en développement. En réalité, derrière la façade humanitaire, l’objectif était clair : obtenir des soutiens diplomatiques, contrer l’hostilité des pays musulmans et présenter Israël comme un État innovant et bienveillant.

Depuis, MASHAV a mis en place un triangle d’influence composé de centres de formation spécialisés (agriculture, gestion de l’eau, santé), de réseaux d’anciens étudiants étrangers formés en Israël et de « Clubs Shalom » animés en lien direct avec les ambassades israéliennes. Ce dispositif, en apparence dédié au développement, constitue un réseau de dépendance et de loyauté. Il permet d’entretenir des relations durables avec des décideurs et de disposer de relais locaux sensibles aux intérêts israéliens. Loin d’être marginal, ce mécanisme représente aujourd’hui un pilier de la diplomatie israélienne.

L’Azerbaïdjan : un terrain privilégié pour l’influence israélienne

L’implantation de MASHAV en Azerbaïdjan dès les années 1990 illustre la valeur stratégique du Caucase pour Israël. Situé aux frontières de l’Iran et de la Russie, l’Azerbaïdjan fournit près de 40 % du pétrole consommé par Israël. Dès 1992, à la faveur de l’indépendance de Bakou et du conflit du Haut-Karabakh, Israël a ouvert une ambassade dans la capitale et intensifié sa coopération avec le jeune État.

Sous couvert de projets agricoles, de programmes de santé publique et d’initiatives éducatives, MASHAV a consolidé sa présence. Ces programmes ont une fonction double : ils permettent à Israël de se présenter comme un partenaire utile au développement et, en parallèle, de collecter des informations sensibles dans des zones proches de l’Iran, comme le Nakhitchevan ou les régions frontalières de l’Araxe.

À travers ces actions, Israël cherche non seulement à sécuriser ses approvisionnements énergétiques mais aussi à établir une plateforme d’influence au cœur du monde turcophone et musulman, afin de peser indirectement sur l’Iran et de renforcer ses alliances stratégiques dans une région instable.

Les leviers de pénétration : éducation, agriculture et santé

L’un des aspects centraux de l’action de MASHAV réside dans la formation et l’éducation des jeunes générations. En 2017, un programme sur « l’innovation en agriculture » a été proposé à des lycéens de Bakou, tandis qu’en 2020, des étudiants de l’université d’État ont suivi une formation sur les « technologies et le développement durable ». Ces initiatives, au-delà de leur contenu technique, visent à modeler les mentalités et à familiariser la jeunesse avec une image modernisée et prétendument bienveillante d’Israël.

Dans le domaine agricole, Israël met en avant ses technologies d’irrigation et ses solutions de gestion de l’eau. En 2019, un projet à Gandja a permis la diffusion d’équipements fournis par la société israélienne Netafim. Or, ces projets ne créent pas une autonomie durable mais entretiennent une dépendance vis-à-vis des technologies israéliennes, ouvrant la voie à une pénétration économique accrue.

Le domaine sanitaire n’est pas en reste : en 2018, MASHAV a livré du matériel médical à l’hôpital central de Shaki. Ces dons, souvent médiatisés, servent à renforcer le capital sympathie d’Israël auprès de la population, alors même que le régime continue ses politiques répressives en Palestine. Ces programmes sanitaires, bien que bénéfiques sur le court terme, constituent une vitrine destinée à masquer la réalité de l’occupation.

Les risques politiques et sécuritaires pour la région

La stratégie israélienne en Azerbaïdjan ne se limite pas à des actions de façade. Derrière l’aide au développement se dessine une ambition géopolitique majeure : transformer Bakou en allié stratégique et en base avancée contre l’Iran. Plusieurs rapports indiquent que des infrastructures locales ont servi à des activités de renseignement ou à la collecte d’informations sensibles sur le territoire iranien.

De plus, la dépendance croissante de l’Azerbaïdjan aux entreprises israéliennes dans les secteurs militaire (Elbit Systems) et agricole (Netafim) accentue la vulnérabilité économique du pays. Les échanges bilatéraux, passés de 1,2 milliard de dollars en 2016 à plus de 2 milliards en 2024, témoignent de cette emprise grandissante.

Enfin, l’action de MASHAV contribue à affaiblir l’identité islamique locale et à marginaliser les opposants à une coopération étroite avec Israël. Si le gouvernement azerbaïdjanais affiche sa proximité avec Tel-Aviv, les enquêtes d’opinion révèlent qu’à peine un quart de la population soutient cette relation. Cette divergence entre élites et société constitue un facteur de tension interne, susceptible d’être exploité par Israël pour renforcer sa mainmise.

L’action de MASHAV au Caucase et particulièrement en Azerbaïdjan illustre comment Israël utilise le soft power pour dépasser son isolement diplomatique, sécuriser ses approvisionnements énergétiques et affaiblir ses adversaires régionaux. Derrière les discours de coopération et d’aide au développement se cache une stratégie globale visant à influencer les élites, à créer des dépendances économiques et à instrumentaliser les réseaux éducatifs et sanitaires à des fins politiques et sécuritaires.

Face à cette stratégie, les pays voisins, et notamment l’Iran, doivent redoubler de vigilance et développer leurs propres instruments de coopération régionale pour contrer cette influence. La création d’agences de développement alternatives, portées par des pays musulmans, apparaît comme une nécessité afin de proposer une réponse crédible.

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