“Mon objectif est de créer un art islamique sénégalais, parce qu’ici nous avons une pratique religieuse qui nous est propre”, a-t-il dit à l’APS.
“Si vous allez dans des pays comme le Maroc, l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Syrie, ils ont leur art islamique”, a fait remarquer M. Top.
La calligraphie islamique, un art méconnu du grand public sénégalais, est pourtant bien présente dans les mosquées, salons et bureaux. Cet art reproduit les saintes écritures islamiques sur divers supports.
Ces œuvres artistiques, naguère importées en grande quantité, portent de plus en plus la signature d’artistes sénégalais en quête d’originalité pour affirmer l’identité d’un art islamique made in Sénégal.
El Hadji Malick Top est l’un des précurseurs de cette forme de création artistique. Ses tableaux ornent l’intérieur de beaucoup de lieux de culte à Thiès, Touba et Tivaouane.
A la grande mosquée de Moussanté, dans la capitale du rail, des tableaux avec écritures dorées sur fond noir sont souvent visibles sur les photos de l’imam Ndiour, lors de ses sermons prononcés à l’occasion de fêtes musulmanes comme la tabaski ou la korité.
La mosquée d’Hersent, toujours à Thiès, abrite également le même type d’œuvres du même artiste. A Mbour 2, une petite mosquée accueillent aussi les tableaux d’El Hadj Malick Top, que l’on retrouvent également à Darou Salam, Keur Issa, Keur Mame El Hadji, etc.
Un goût précoce pour la calligraphie
Né à Dakar 1968, l’artiste a grandi à Thiès, chez une cousine et amie de sa grand-mère maternelle, qui l’a éduqué et envoyé à l’école coranique et à l’école française à Thiès, raconte-t-il dans un entretien avec l’APS.
Pour lui, cette éducation religieuse a eu un “impact positif” sur son parcours. Cette trajectoire fait que “toutes (ses )actions, entreprises, pensées sont marquées par l’éducation et l’enseignement religieux dont (il a) bénéficié”.
Pour ce qui est de la calligraphie, Top y a pris goût à l’école française. Son répétiteur, qui appréciait sa “belle écriture”, le corrigeait et l’aidait à se parfaire, se souvient-il. Ses écritures étaient agréables à lire, poursuit le calligraphe. “C’est de là qu’est [née] ma relation avec l’écriture”, relate l’artiste.
Il se souvient avoir “griffonné” son premier tableau entre 1992-1993, alors qu’il était à l’école Jules Sagna de Thiès. “C’était une combinaison en arabe du nom de Dieu et de son prophète (Allah et Mouhamed). Je l’ai fait sans savoir exactement sa portée”, dit-il.
“Tous ceux qui, à l’époque, avaient vu cette œuvre, avaient apprécié et lui avaient donné une ampleur que je n’avais pas tout à fait cernée. C’est ma première création en rapport avec l’art islamique, et depuis je l’ai multipliée”, dit-il.
Ce fut le point de départ de plusieurs autres créations artistiques. Celle qui a suivi cette œuvre transcrivait en forme de fleur la formule introductive islamique +Bismilahi Rahman rahim+. Depuis lors, je ne me suis pas arrêté”.
Son inspiration commence par un dessin sur le sable, avec les doigts. “Après cela, je prends un crayon et un papier pour faire une esquisse, que j’améliore jusqu’à ce que j’obtienne l’œuvre parfaite, présentable, que je reproduis sur mes tableaux”, explique l’artiste. Il applique le même procédé aussi bien aux figures qu’à la calligraphie.
Le défi du droit d’auteur
Toutes ses œuvres portent un “signe particulier, un petit symbole” destiné à “inspirer et orienter les admirateurs [pour] saisir le message qui est derrière le tableau”, dit-il.
La Kaaba, en tant que symbole du “lien entre le ciel et la terre”, occupe une place centrale dans l’inspiration d’El Hadj Malick Top.
Pour lui, l’expérience personnelle, les émotions et sentiments sont la première ressource d’un artiste, “au-delà du don de Dieu”.
Il arrive que l’artiste, sur la base de son don, de son inspiration crée une œuvre qui, par la suite, produit un “effet inattendu”, relève-t-il, témoignant avoir été interpellé par une autorité, suite à la réalisation d’un tableau, pour lui exprimer sa satisfaction, son apaisement et l’inspiration que lui a procuré cette création artistique face à un problème donné.
Il conçoit l’œuvre d’art comme un vecteur de transmission de savoir et de valeurs, mais aussi une lumière.
Ayant débuté ses dessins sur du carton, avec de “très belles couleurs”, il utilise les plexiglas, avant de recourir actuellement au PVC (polychlorure de vinyle), adapté à l’impression numérique. Il utilise aussi d’autres matières comme support de travail.
“En dehors de Thiès, à Tivaouane et Touba, chaque année, à l’occasion des fêtes religieuses, je donne aux guides religieux des tableaux en, guise de cadeaux, indique-t-il. Pendant le centenaire de Seydi El Hadji Malick Sy (1855-1922), l’une des plus importantes figures de la confrérie Tidiane au Sénégal, j’avais confectionné beaucoup de tableaux que j’ai gracieusement donnés à la famille et aux proches” du saint homme.
Top, qui porte le même prénom que le religieux, pense déjà à protéger la propriété intellectuelle de son œuvre, pour bénéficier du droit d’auteur, mais aussi pour éviter les copies plagiaires qui ressemblent à “presque 50 à 60% aux originales”. “Il y a des créations que je n’ai pas encore rendu publique, pour justement éviter la copie”, confie-t-il.
aps.sn