Thomas Irving, pionnier de la traduction du Coran en Amérique du Nord

3:52 - April 27, 2025
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IQNA-Thomas Ballantyne Irving, écrivain et professeur en études islamiques, est reconnu comme le premier traducteur du Coran en Amérique du Nord. Converti à l’islam, il a ouvert la voie aux futures traductions dans cette région grâce à son œuvre marquante.

La première traduction anglaise connue du Coran, intitulée Alcoran, remonte à 1649 et est attribuée à Alexander Ross, qui l’a réalisée à partir d'une version française de L'Alcoran de Mahomet par Sieur du Ryer. En 1734, George Sale publia The Koran, la première traduction scientifique, qui demeura la référence pendant près de deux siècles.

Ce n'est qu'au début du XXe siècle que les musulmans commencèrent à traduire eux-mêmes le Coran en anglais. Mirza Abul Fazl, originaire d'Allahabad en Inde, réalisa la première traduction musulmane en 1910. Plus tard, Arthur Arberry produisit en 1955 The Koran Interpreted, une version respectant le rythme du texte arabe.

En 1990, Amina Rahman Omar devint la première femme musulmane à publier une traduction du Coran. Enfin, en 1985, Thomas Irving, converti nord-américain, réalisa la première traduction complète du Coran en anglais sur le sol nord-américain, marquant une étape importante dans la diffusion du message coranique dans cette région.

Islamologue engagé et premier traducteur américain du Coran

Thomas Ballantyne Irving, connu sous le nom d’Al-Hajj Ta'lim Ali Abu Nasr, était un écrivain, professeur et islamologue canado-américain. Il est célèbre pour avoir réalisé la première traduction américaine du Coran en anglais.

Né en 1914 à Preston, en Ontario (Canada), Irving embrassa l’islam au début des années 1950 et adopta son nouveau nom musulman. Il obtint une licence en langues modernes à l’Université de Toronto, une maîtrise à l’Université McGill et un doctorat en études du Proche-Orient à l’Université Princeton en 1940.

نخستین مترجم قرآن در آمریکا

Irving a publié de nombreux ouvrages sur l’islam, parmi lesquels Had You Been Born a Muslim, Islam and Its Essence, Islam Resurgent et Growing up in Islam. Il écrivit aussi plusieurs livres en espagnol, tels que Nacido como Musulman et Cautiverio Babilónico en Andalusía.

Tout au long de sa carrière, il enseigna dans plusieurs universités nord-américaines et latino-américaines, notamment à McGill, Princeton, San Carlos et au Tennessee. Il prit sa retraite en 1980, puis dirigea de 1981 à 1986 l'American Islamic College de Chicago, où il acheva sa traduction du Coran.

En 1983, le gouvernement pakistanais lui décerna l’étoile d’excellence pour sa contribution à l’islam. Thomas Irving s’éteignit le 24 septembre 2002, après une longue lutte contre la maladie d'Alzheimer.

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Une traduction du Coran pour la nouvelle génération musulmane

La traduction du Coran par Thomas Irving, intitulée The Qur'an: First American Version, fut publiée en 1985 après plus de vingt ans de travail. Président du département des sciences au Collège islamique américain de Chicago et professeur émérite à l’Université du Tennessee, Irving critiqua dans sa préface les anciennes traductions ainsi que les études biaisées de chercheurs comme Nöldeke et Bell.

Son objectif était d’offrir une version lisible pour les jeunes musulmans nord-américains, peu habitués au style anglais archaïque des traductions précédentes. Selon lui, une nouvelle génération devait accéder au texte sacré d’une manière adaptée à leur langue contemporaine.

Cette traduction fut financée par divers donateurs, notamment une grande entreprise alimentaire halal fondée par des immigrants du Levant aux États-Unis. Sa publication marqua un tournant dans la mondialisation de l’islam en Amérique, mettant fin à la domination britannique dans l’édition de livres islamiques.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’immigration massive du Moyen-Orient et d’Asie du Sud, surtout après 1966, donna naissance à une communauté musulmane nord-américaine instruite et de classe moyenne. Face à une demande croissante de littérature islamique en anglais, de nombreuses maisons d’édition islamiques virent le jour, particulièrement à Chicago.

Le déplacement du centre de publication des œuvres islamiques

Dans les années 1970 et 1980, les États-Unis devinrent le principal centre de production et de distribution des traductions du Coran. Jusqu’alors, ce marché était dominé par les traductions produites dans le sous-continent indien, notamment celles de Muhammad Ali et Abdullah Yusuf Ali. En 1977, l'American Trust Publications de Chicago, soutenu par des financements saoudiens, republia la traduction de Yusuf Ali, suivie en 1983 par une nouvelle édition réalisée par Amana Publications dans le Maryland.

Parallèlement, d'autres initiatives émergèrent : Kazi Publications à Chicago réédita la traduction de Marmaduke Pickthall en 1982, tandis que le Tahrike Tarsile Qur'an à New York publia une version chiite du Coran traduite par Habib Shakir. Ce dynamisme diversifia le paysage éditorial, bien que l'influence britannique et indienne restât forte.

Thomas Ballantyne Irving, un Canadien-Américain converti à l'islam dans les années 1950, joua un rôle pionnier en Amérique du Nord. Dès 1968, il publia une première sélection thématique de versets coraniques. Plus tard, avec The Qur'an: First American Version, il s'adressa aux jeunes générations musulmanes anglophones et aux non-musulmans cherchant une présentation impartiale de l'islam, critiquant les limites des traductions précédentes.

Le soutien des communautés migrantes à la traduction du Coran par Thomas Irving

Thomas Ballantyne Irving souhaitait proposer une traduction du Coran en anglais simple et accessible, notamment pour les jeunes générations musulmanes d’Amérique du Nord. Il rejetait le recours à un anglais complexe et soutenait que, tout comme le Coran est révélé en "arabe clair", sa traduction devait être limpide. Irving privilégia donc un style concis, fluide et respectueux, sans lourdes annotations.

Pour publier et diffuser son œuvre, Irving s'appuya sur le soutien financier de communautés musulmanes immigrées. Il reçut notamment l'aide de donateurs du Canada, du Qatar et du Golfe, mais il souligna particulièrement l'appui des frères Oussé de Cedar Rapids, Iowa. Ces derniers, issus d'une immigration chiite du sud du Liban, avaient contribué à l'édification de la Mother Mosque of America en 1934. Leur entreprise familiale, Midamar, devenue un acteur majeur du commerce alimentaire halal, participa activement à la distribution du Coran traduit par Irving.

La traduction d'Irving marqua une étape importante : elle reflétait le transfert du centre de production islamique de l’empire britannique vers les États-Unis. À travers elle, l'édition islamique américaine se détachait des modèles coloniaux, portée par des réseaux de migrants et des financements transnationaux, rendant l'islam nord-américain à la fois plus enraciné et plus globalisé.

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